Question
Question publiée au JO le : 25/04/2023
M. Xavier Batut attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations exprimées par l’Association nationale des producteurs laitiers fermiers (ANPLF) concernant l’encadrement de la contractualisation entre fournisseurs et distributeurs introduit par Egalim 2 et précisé par la loi du 30 mars 2023 visant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Avant l’entrée en vigueur de la loi Egalim, la contractualisation directe entre les producteurs laitiers fermiers et les distributeurs ne présentait pas de formalisme particulier et ne rencontrait pas de difficulté pour imposer des prix rémunérateurs. L’ANPLF souhaite ainsi pouvoir déroger aux exigences de contractualisation pour les éleveurs et producteurs de produits laitiers transformés à la ferme, affirmant que les contraintes administratives pourraient remettre en cause la relation de confiance qui existe entre les producteurs et les transformateurs locaux, en plus d’ajouter une charge administrative et financière inutile. Dans ce contexte, il souhaite savoir si le Gouvernement prévoit d’accepter la demande de dérogation de l’ANPLF à l’obligation de contractualisation et si des mesures sont envisagées pour répondre à leurs inquiétudes quant à l’impact de l’obligation de contractualisation sur leurs relations commerciales avec les distributeurs.
Réponse du ministère
Réponse publiée au JO le : 20/06/2023
Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire veille à l’application de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « EGALIM 2 ». Cette loi vient compléter et renforcer la loi du 30 octobre 2018 (dite « EGALIM »), dont l’objectif est d’améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. La loi EGALIM 2 vise à renforcer la logique de construction du prix des produits alimentaires « en marche avant », c’est-à-dire à partir des coûts de production des agriculteurs. Ces coûts doivent être répercutés tout au long de la chaîne agroalimentaire, de l’amont agricole jusqu’à la transformation et la commercialisation de ces produits. Pour cela, la loi intervient principalement selon deux volets, un volet « amont » et un volet « aval ». À l’amont, la loi EGALIM 2 rend obligatoire, depuis le 1er janvier 2023, la conclusion d’un contrat écrit pour la vente d’un produit agricole. À l’aval, la loi impose la transparence du coût de la matière première agricole qui compose les produits alimentaires vendus aux distributeurs. Cette part est sanctuarisée, elle ne peut faire l’objet d’une négociation de prix de la part du distributeur. Dès lors, les principes de transparence et de non-négociabilité de la matière première agricole reposent sur le développement de la contractualisation à l’amont agricole. La loi « EGALIM 2 » a ainsi permis de mettre fin à un cycle de huit années consécutives de déflation des prix payés aux industriels et aux producteurs agricoles, comme l’a rappelé le sénat dans son rapport d’information n° 799 du 19 juillet 2022. Avec la généralisation du recours au contrat écrit pour la vente d’un produit agricole, les producteurs peuvent mieux anticiper leurs débouchés et les acheteurs, leurs approvisionnements. Le recours au contrat incite notamment l’acheteur et le vendeur à dialoguer sur leurs attentes. Ce faisant, la contractualisation permet à l’amont de mieux prendre en compte les demandes du marché à l’aval et crée ainsi les conditions d’une meilleure valorisation des productions. La contractualisation garantit de la souplesse dans l’évolution des relations entre les parties au travers de plusieurs clauses permettant de tenir compte de l’évolution du contexte, notamment des paramètres économiques (révision, renégociation, force majeure, etc.), tout en offrant sécurité et prévisibilité dans le temps et des possibilités le cas échéant de mettre fin au contrat dans certaines conditions (clause résolutoire). Afin de tenir compte des situations spécifiques de certaines filières de production, ou de ne pas alourdir de façon excessive la charge administrative des petits producteurs, la loi prévoit des mécanismes spécifiques. Tout d’abord, le I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) exclut expressément certaines situations de son champ d’application. Tel est notamment le cas pour la vente directe aux consommateurs. Cette exclusion s’applique à tous les produits agricoles, y compris aux produits laitiers fermiers. Ensuite, la loi prévoit certaines dérogations pour les contrats qui entrent dans son champ d’application. Aussi le décret n° 2022-1669 du 26 décembre 2022 pris en application de l’article L. 631-24 du CRPM, et codifié à l’article R. 631-6 de ce même code, fixe un seuil générique de 10 000 euros de chiffre d’affaires pour le producteur, en dessous duquel il n’est pas tenu de conclure un contrat écrit pour la vente du produit concerné. Ce décret permet aux petits producteurs de déroger à l’obligation de recourir à la contractualisation écrite. Les produits fermiers peuvent être concernés par ces dispositions. Ce seuil peut être mobilisable par un même producteur pour plusieurs produits distincts. Enfin, le décret n° 2022-1668 du 26 décembre 2022, codifié à l’article R. 631-6-1 du CRPM, pris en application de l’article L. 631-24-2 du CRPM, fixe les produits et les catégories de produits pour lesquels le contrat de vente ou l’accord-cadre peut déroger à l’obligation d’être conclu sous forme écrite. En l’absence de demande en ce sens dans le cadre des concertations conduites auprès des organisations interprofessionnelles reconnues, les produits fermiers n’ont pas été inscrits à cet article. L’enjeu majeur pour assurer l’atteinte des objectifs de la loi réside désormais dans la bonne mise en application de la loi EGALIM 1 telle que modifiée par la loi EGALIM 2, que ce soit à l’amont comme à l’aval, avec une appropriation par les différents acteurs économiques des outils et leviers qu’elle permet. Les services de l’État sont mobilisés dans l’accompagnement des filières et restent particulièrement vigilants quant au respect des dispositions de la loi.