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Financement des SDIS : 12 mesures pour conforter notre modèle de sécurité civile

Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) jouent un rôle crucial dans la protection des citoyens et des biens en France. Face à des défis croissants tels que le changement climatique et l’augmentation des interventions, une évaluation rigoureuse de leur financement s’impose. Mercredi 22 mai, nous présentons les conclusions et recommandations de la mission flash, menée dans le cadre de la délégation aux collectivités locales et de la décentralisation (DGCT) de l’Assemblée nationale dont je suis membre, consacrée au financement des SDIS.

La mission s’est fixée pour objectif d’évaluer, dans un premier temps, la soutenabilité sur le long terme du modèle de financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) puis, dans un second temps, d’envisager des pistes d’élargissement des ressources et de maîtrise des dépenses. À titre de simplification, nous avons décidé de nous concentrer sur les SDIS de droit commun, à l’exclusion des situations particulières des territoires ultramarins, de Paris et de Marseille.

Un large champ de personnes interrogées, des services de l’État aux SDIS eux-mêmes

La mission a auditionné les services de l’État concernés, qu’il s’agisse de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ou de la direction du budget et de la direction générale des finances publiques (DGFIP). La mission a également entendu les associations représentatives de la profession, en particulier la Fédération nationale des sapeurs‑pompiers de France (FNSPF) et l’Association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des services d’incendie et de secours (ANDSIS), la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), France Assureurs ainsi que l’Inspection générale de l’administration (IGA), auteur d’un rapport sur le financement des SDIS en 2022. Les associations d’élus locaux les plus intéressées, à savoir Départements de France et l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF), ont, bien entendu, été sollicitées.

 

La mission a, enfin, mis un point d’honneur à recueillir le point de vue des SDIS eux-mêmes. Les directeurs départementaux de deux d’entre eux (Aisne et Seine-Maritime) ont été auditionnés. Une enquête statistique a été menée auprès de l’ensemble des SDIS du territoire métropolitain : 70 ont apporté une réponse écrite. Les données d’une soixantaine de ces SDIS ont pu être exploitées de manière exhaustive par les rapporteurs.

Un système de financement des SDIS qui apparaît de plus en plus à bout de souffle

Le système actuel de financement des SDIS paraît de plus en plus à bout de souffle en raison de l’incapacité croissante des collectivités territoriales à couvrir des besoins opérationnels en constante augmentation.

 

Les effets du changement climatique amènent des SDIS à procéder à d’importants renouvellements de leurs équipements pour faire face au nombre croissant de feux de végétations et à des crues plus intenses.

 

Les sapeurs-pompiers risquent, par ailleurs, d’être « sur-sollicités » par les secours aux personnes dans des territoires marqués par la désertification médicale. 

Les défis financiers des SDIS et les limites des sources de financement alternatives

Les collectivités territoriales, qu’il s’agisse des départements ou du bloc communal, semblent avoir de plus en plus de difficultés à suivre la dynamique de dépenses des SDIS et les perspectives de diversification des ressources sont limitées.

 

Tout en estimant qu’il existe des marges de manœuvre s’agissant des financements de l’État avec, d’une part, la « DSIS carrée » qui apparaît sous employée, en comparaison des dotations d’investissement similaires du bloc communal (DSIL, DETR, « fonds verts »), et d’autre part, les pactes capacitaires dont nous recommandons le prolongement au-delà de 2027, nous notons que ces financements ne peuvent rester que marginaux en comparaison des contributions des collectivités.

 

Bien qu’intéressante, l’approche économique de l’activité des services d’incendie et de secours par la « valeur du sauvé », déjà expérimentée au sein d’une trentaine de SDIS, n’apparaît pas aujourd’hui comme une source de financement viable des SDIS car elle demeure, à ce jour, peu opérationnelle et se heurte à des difficultés méthodologiques et pratiques.

Une dotation du département supérieure à la fraction de TSCA pour les SDIS étudiés

Battant en brèche l’idée selon laquelle les départements ne reverseraient pas l’intégralité de la TSCA aux SDIS a pu se répandre dans les médias, nous relevons à l’issue de nos travaux qu’aucun des SDIS étudiés par la mission « flash » n’a reçu de son département en 2022 une dotation inférieure à la fraction de TSCA « SDIS » affectée audit département.

Nos propositions pour une résorption durable des difficultés de financement des SDIS

Élargir les recettes liées à la TSCA

Nous ne sommes pas favorables à une augmentation de l’un des taux de la TSCA, y compris du taux général de 9 %, compte tenu du niveau déjà élevé de cette fiscalité particulière, de sa relative complexité avec différentes taxations additionnelles et du dynamisme de son produit.

 

Sous réserve des compensations pour la CNAF – car il ne s’agit pas de diminuer ses ressources – et des ajustements s’agissant d’autres recettes des départements, nous sommes favorables à ce que la fraction de TSCA affectée à la CNAF revienne aux départements et à la métropole de Lyon afin de consolider le financement des SDIS (recommandation n° 1).

 

Lors des auditions, il est apparu que la suppression ou la réduction de certaines exonérations méritait d’être posée sur la table. Afin de ne pas pénaliser les professionnels, nous n’envisageons pas de revenir sur l’exonération de TSCA sur les contrats d’assurance non obligatoire des véhicules utilitaires de plus de 3,5 tonnes. En revanche, ils recommandent de ne pas prolonger l’exonération de TSCA dont bénéficient les véhicules électriques au-delà du 31 décembre 2024, considérant qu’il s’agit davantage d’un effet d’aubaine que d’une incitation à l’achat d’un véhicule électrique (recommandation n° 2).

Créer une nouvelle part départementale additionnelle à la taxe de séjour

L’afflux de visiteurs dans les zones touristiques s’accompagne d’un surcroît d’activité pour les forces de l’ordre et pour la sécurité civile. Pour les SDIS, cet accroissement temporaire de population est source de sollicitations supplémentaires en matière de secours à la personne. Il apparaît donc logique qu’une partie des recettes générées par les activités touristiques puisse être orientée vers le financement des moyens mis en œuvre pour la protection des vacanciers.

 

La possibilité de majorer la taxe de séjour, dans les communes touristiques où elle est applicable, pour financer le fonctionnement des SDIS, a rencontré une large approbation lors des auditions conduites par les rapporteurs. La création d’une taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour au taux de 20 %, fléchée vers les SDIS, représenterait un produit égal au double de celui de la taxe additionnelle départementale de 10 %, déjà existante, destinée au financement du tourisme, soit 50 millions d’euros par an (recommandation n° 3).

Geler la contribution communale au financement des SDIS

Nous ne sommes pas favorables à une suppression ou à une réduction en volume de la contribution du bloc communal au financement des SDIS. Le maintien d’un financement communal semble essentiel, notamment en raison de la responsabilité opérationnelle qu’exercent les maires en matière de sécurité civile (plan communal de sauvegarde, prévention des risques majeurs, etc.).

 

En contrepartie des nouvelles marges de manœuvre financière dégagées au bénéfice des départements leur permettant d’accroître significativement leur capacité contributive au financement des SDIS, nous proposons donc de geler les contributions du bloc communal au niveau constaté sur l’exercice 2024 et supprimer corrélativement le mécanisme de plafonnement, adossé à l’évolution de l’indice des prix à la consommation, de la variation annuelle de ces contributions (recommandation n° 4).

 

Nous recommandons également d’inciter les conseils d’administration des SDIS à modifier la répartition des contributions entre communes et intercommunalités en tenant compte de critères objectifs, notamment le nombre moyen et la durée moyenne des interventions, de façon à partager plus équitablement l’effort contributif, permettant ainsi d’alléger la contribution des communes rurales et des petites communautés de communes (recommandation n° 5).

Faire évoluer le financement par la TSCA

Le produit de la TSCA affecté aux départements est réparti entre eux selon des modalités fixées il y a vingt ans qui n’ont pas évolué depuis lors, et qui peuvent paraître aujourd’hui largement contestables. Partant du constat qu’il paraît difficile de modifier la répartition actuelle sans « faire des perdants et des gagnants », nous proposons la création d’un fonds départemental de péréquation alimenté par la seule part dynamique de la fraction de TSCA, le « socle » étant maintenu à l’identique pour tous les départements. Ainsi, aucun département ne serait lésé (recommandation n° 6).

Contenir la progression des dépenses des SDIS par des mesures structurelles

Les « sur-sollicitations » des SDIS au titre du secours aux personnes peuvent être maîtrisées si l’on parvient à les décharger d’une part importante des transports sanitaires urgents. Cela implique de procéder à une évaluation des effets du décret n° 2022-631 du 22 avril 2022 sur les sollicitations des SDIS pour carence ambulancière (recommandation  n° 7), et de rendre le recours aux SDIS pour carence ambulancière plus pénalisant par le doublement du forfait de prise en charge, actuellement de 209 euros par intervention, et l’accroissement de l’indemnité horaire de substitution sur les plages horaires non couvertes par une garde ambulancière, actuellement fixée à 12 euros par heure (recommandation n° 8).

 

Il sera d’autant plus facile de décharger les SDIS des transports sanitaires urgents que le SAMU pourra s’appuyer sur un « vivier » conséquent d’ambulanciers privés. Nous appelons donc par ailleurs à poursuivre la valorisation du métier d’ambulancier engagée en 2021, notamment par l’indexation sur l’inflation des tarifs du transport urgent pré-hospitalier (recommandation n° 9).

Mieux coordonner et mutualiser les moyens

Dans la mesure où la mutualisation apparaît comme le meilleur moyen de réduire le nombre de carences ambulancières incombant aux SDIS, nous appelons le Gouvernement à s’engager dans la voie du déploiement du numéro unique d’urgence (« 112 ») afin d’encourager les départements à généraliser les plateformes communes articulées, au minimum, autour de l’utilisation d’un outil informatique associant le système NexSIS 18-112, en cours de finalisation, et SI SAMU (recommandation n° 10).

 

Par ailleurs, nous proposons de mieux associer les SDIS à l’élaboration des politiques médico-sociales au niveau départemental (recommandation n° 11) et d’encourager la mutualisation des tâches entre les SDIS qui le souhaitent (recommandation n°12).

 

Au-delà des achats de matériels et de la formation, il pourrait être utile d’autoriser les établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours (EPIDIS) à prendre en charge certaines tâches relevant de la gestion des ressources humaines (feuille de paie, par exemple) ainsi que de l’ingénierie juridique. En dépit des avantages que peut comporter la mutualisation dans certains cas, il ne paraît pas pour autant souhaitable de la rendre obligatoire.

Le rapport

Mission « flash » sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS)